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MÉMOIRE ET DESIR.

locutions proverbiales ; il apparaît d’une simplicité de lignes et d’une clarté classiques.

L’ironie est un sentiment constant. Je veux dire qu’elle ressemble, populaire et courante, à ses formes les plus raffinées, et que celle d’un paysan tourangeau ou d’un gamin de Paris ne diffère pas essentiellement de celle du peintre Whistler ou d’un Cervantès. Nous avons cependant un cas d’ironiste ayant passé biographiquement de la vie de luxe à celle de la prison et de la gloire à la honte : c’est Oscar Wilde. La forme et la qualité de son ironie sont demeurées identiques, en dépit de son vice, avant comme après sa condamnation. Toutes les personimages et images tendant à ramener l’être à l’équilibre sont nécessairement plus stables que les autres. Les grands vieillards, comme les enfants précoces (inclusion du sénile dans le juvénile), sont volontiers ironiques et narquois.

Une des personnalités les plus complètes et les plus séduisantes que j’aie rencontrées dans l’existence, est celle de mon vieux frère catalan (« frères de Catalogne », disait Mistral) Santiago Rusiñol, peintre, romancier, auteur dramatique. L’ironie est, chez lui, aussi vive et spontanée que chez Cervantès, avec lequel il a plus d’un point de contact, moins amère et sombre que chez un Larra, et sa verve est aussi abondante, drue et lyrique que celle de Calderon. La mélancolie dorée s’élève de ses toiles, représentant les jardins d’Espagne, où brillent doucement et architecturalement les lueurs étranges de