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LA SPHÉRICITÉ DES PERSONIMAGES.

d’êtres jeunes une précocité qui s’allie avec la candeur, pour le plus étonnant des mélanges. On sait que cette disposition est celle du courage intellectuel intérieur, de celui qui consiste à ne pas craindre d’aller jusqu’au bout d’un raisonnement, d’une observation ou d’une hypothèse.

Les spécialisations de la mémoire, selon les personnes, correspondent à autant de spécialisations dans l’oubli. Celui-ci ne se rappelle plus les noms, ou les dates, ou les circonstances, ou les contours, ou les couleurs, ou les airs de musique. L’ingratitude n’est si répandue que parce qu’elle est une conséquence de l’oubli. La vraie rancune est rare, pour la même raison. Le plaisir physique, notamment celui de la possession, ne laisse que de faibles vestiges dans l’esprit, à moins que la mémoire n’en soit réveillée par la contrariété de la jalousie, auquel cas elle peut devenir presque, intolérable. Le sentiment de la honte est très persistant chez les jeunes gens, ainsi que celui de la gêne, et des circonstances où leur personnalité s’est trouvée amoindrie devant un tiers, surtout féminin. Il est d’observation courante que les actes excessifs, les circonstances tragiques ou critiques, laissent parfois une impression moins forte dans la mémoire, et prêtant plus à l’oubli, que certains états mélancoliques ou intermédiaires de l’émotion, dans des décors appropriés. L’oubli a une préférence pour le principal et ménage souvent le secondaire ou l’accessoire. De minimis non curat