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LE MONDE DES IMAGES

du rêve provoqué, chez le vigilant, par un choc, un son, une lumière vive, un accès de fièvre, parfois même un effort d’attention excessif. Dans cette deuxième forme, la phosphorescence des hérédofigures se rapproche de l’hallucination. Elle peut pénétrer la pensée d’autrui, puis, réintégrant l’endormi, reproduire cette pensée par les lèvres ou par la plume, avec une exactitude surprenante. Elle peut franchir les espaces et aller se rendre compte, à distance, de phénomènes ou d’événements dont l’endormi fera ensuite un récit fidèle et circonstancié. Cette émanation, ce transport des hérédofigures, n’ont donc rien de surnaturel, ni même de plus surprenant que le trajet de courants en ondes, émanant d’une source A donnée, allant en B s’imprégner de l’ambiance de B, et revenant en A avec leur imprégnation nouvelle. Car les hérédofigures, images de la vie, sont vivantes à la façon des idées, des sentiments et des mots qui les constituent. Elles sont même quelquefois plus vivantes que la personnalité dont elles participent. Nous connaissons tous des êtres d’aspect lourd et somnolent, d’une activité mentale très développée et très influençante. Renan en était le type physique accompli, avec ses yeux miclos, ses gestes onctueux et sa bouche ironique. On eût dit qu’il transportait avec lui un monde d’attractions et de répulsions, de sentiments confus, d’idées claires et contrariées. C’était une sorte de bahut breton, rebondi et plein de figures héréditaires, aux prolongements verbaux particulièrement flexibles.