Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/37

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certainement la vie des images, qui nous domine et nous étreint et fait de chacun de nous, un demi-somnambule. Ces images constituent un immense cycle, qui a ses lois, ses réapparitions, ses disparitions, analogues aux lois qui régissent les astres. C’est une gravitation de parcelles animées, répandues à travers tout notre organisme et agissant sur cet organisme. Le langage articulé est un composé second de ces parcelles. Le style est un composé tierce. L’œuvre d’art, ou de science, un composé à la quatrième puissance.

La deuxième constatation est que la faculté héréditaire des images et réapparitions imaginatives est au complet dès le début de la vie, qu’elle fait partie, en conséquence, des survivances enfantines dans l’adolescence, l’âge mûr et la vieillesse. Le jugement se développe, qui est une emprise de plus en plus forte du soi sur les émanations du moi. Mais l’imagination demeure essentiellement à cinquante ans, bien qu’enrichie de nombreux apports, ce qu’elle était à quatre ou cinq ans. L’ascendant en nous ne s’amplifie, ne s’intensifie guère et cette dernière constatation apparaît, sous un certain angle, comme un corollaire de la précédente.

Or, il s’en faut que le langage articulé ait saisi dans les mailles de son filet toutes les images qui nous viennent de nos ascendants. L’immense majorité de celles ci ne se traduisent ni en mots, ni en signes, bien quelles affectent à la fois la conscience et l’organisme. La personnalité humaine est sans