Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/38

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cesse parcourue par un vaste courant d’images inexprimées et qui impressionnent d’autant mieux nos tissus, notre substance corporelle. L’équilibre de ces images intérieures, familiales, ethniques, s’appelle la santé. La rupture d’équilibre s’appelle la maladie. Le soupir, le gémissement, le cri, la contraction musculaire, les sueurs profuses, l’éjaculation sont, fort souvent, le résultat d’images errantes ou agressives, que le soi n’a pas encore su condenser, agglutiner, exprimer en mots, en phrases, en style, et qui s’en tirent par l’effraction. Ce sont autant d’éliminations d’images qui, sans cela, deviendraient tyranniques et obsédantes, avant de devenir destructrices.

Certains états mentaux et moraux, accompagnés de manifestations organiques correspondantes, sont dus à l’enveloppement rapide du soi par un tourbillon d’images de même sens, ou de sens contraire. Je citerai comme contrastes, susceptibles d’ailleurs de se succéder, l’état pathétique et le fou rire.

Tous, nous avons connu des personnes qui excellent à dramatiser l’existence, qui éprouvent le besoin irrésistible de se passionner pour ou contre celui-ci ou celui-là, celle-ci ou celle-là, et qui ignorent les calmes joies de l’indifférence, au besoin cordiale. La puberté, et plus avant dans la vie, les poussées de l’instinct sexuel, grand fabricateur de figures internes (voir l’Hérédo) développent étrangement le pathétisme. Il en est de même de l’abstinence, quand elle n’a pas de dérivatif artistique,