Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/39

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littéraire ou mystique. Le jeune homme, la jeune fille sont enclins à considérer l’existence sous l’angle du drame perpétuel ainsi que les vieilles filles et les solitaires. Julien Sorel, la Cousine Bette, Don Quichotte, madame Bovary, monsieur Joyeuse, du Nabab, voilà de bonnes observations de « pathétiques ». Amusants dans les livres, ces types en proie aux images exaltées sont, dans la vie courante, fatigants, soit qu’ils demandent à l’amitié les transes et les gambades de la passion, soit qu’ils exigent des autres une participation continuelle à leurs antipathies et à leurs rancunes. Rapprochements, brouilles, réconciliations, rebrouilles, lettres de douze pages, scènes de colère, d’attendrissement…, les pathétiques sentimentaux ou sexuels excellent à ces exercices éliminatoires, qui donnent vite une courbature à leurs relations. Ils sont la plaie de leur entourage, de leurs ménages, de leurs voisins. Ils rentrent dans la catégorie de ceux qu’Alphonse Daudet appelait justement « les commères tragiques ».

Le pathétisme est un penchant fâcheux, qui devient, par l’usage, un besoin irrésistible. Il peut conduire au délire de la persécution. Ceux qui en sont affectés s’imaginent en effet que les autres participent à leur tourbillon. Ils cherchent partout des allusions, favorables ou blessantes, aux injustices dont ils se croient victimes, aux conjurations dont ils se supposent environnés. Celle-ci attache une importance au fait qu’on la salue ou qu’on ne