Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/49

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les accès. Tâchez de l’empêcher de bouger, ce résidu, devant la loupe de l’introspection. Avec un peu d’habitude et de contention, vous y parviendrez. C’est une impulsivité analogue à un cri non encore proféré, à un muscle non encore bandé, sur le point de l’être, à la préparation d’une grimace, le tout prêt à répondre à l’appel, héréditaire ou personnel, d’images violentes. Mais ici, encore que l’atmosphère morale de la précolère et de la rupture de la sérénité instable demeure sensible à chacun de nous, avec son rouge au bord des yeux, sa saveur métallique et chaude dans la bouche et son alerte musculaire généralisée, ici le verbe commence à devenir défaillant, et l’expression glisse et fuit autour de l’image.

Répétez tout haut, puis tout bas, le mot « avarice ». Si vous avez des lectures, celles-ci viennent en aide à votre expérience et à votre connaissance personnelle du grand vice ralentisseur et destructeur de la vie. Plaute, Molière, Ben Jonson mêlent leurs images à celles que vous vous faites de la soif insatiable de l’or (cupidité), ou de la fureur (car c’est une fureur lente) de ne pas le dépenser (avarice proprement dite). À cet appel, se développent en vous des personimages d’ascendants que possédait cette manie, superposées, renforcées ou diversifiées, qui vous plongent bientôt dans une sorte d’aura avaricieuse, où tintent et luisent toutes les conserves et cachettes, où frémissent tous les stigmates de la forme la plus dure, la plus possédante