Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/50

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de l’égoïsme. Cela jusqu’au moment où, par l’usure du verbe concomitant, il ne demeure plus, devant la conscience, qu’une sorte d’impulsion rapace et sournoise, légèrement colorée, légèrement gustative et tactile, presque innominée.

Ce même essai mental peut être recommencé, avec un résultat analogue, pour beaucoup d’états, lents ou rapides, violents ou atténués, de l’esprit sensibilisé par l’image, pour beaucoup de représentations morales et intellectuelles. La meilleure heure, pour ces exercices, est celle qui précède le sommeil, alors que nous nous libérons des soucis ou projets du jour, pour glisser à une sorte de vide indifférent de l’âme. J’ajoute qu’ils sont aussi, ces exercices, une bonne manière d’épuiser ces soucis, en remontant jusqu’à la greffe qu’ils prennent sur une personimage. C’est une vieille observation philosophique que nos inquiétudes, nos angoisses, nos mélancolies, simples ou compliquées, tiennent à l’intensité de l’image que nous nous en faisons. Cette intensité diminue beaucoup quand, examinant cette image elle-même, nous nous apercevons qu’elle fait partie d’un fantôme, d’une reviviscence héréditaire, qu’elle peut céder soudain la place à une autre, ou s’amincir, ou s’effilocher jusqu’à la rupture, en prenant des couleurs changeantes de plus en plus irisées, à la façon d’une bulle de savon.

Nul ne s’étonnera (surtout s’il a lu ce que je dis de l’instinct génésique dans l’Hérédo) que l’amour