Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/64

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nous sommes tous levés pour applaudir. » — « Ce n’est pas possible, tu inventes ça, » répondit la mère tranquillement. Alors le petit garçon fit un « ah » très posé, très comique aussi, qui avouait et constatait l’invention. Ainsi des mythomanes, quand une raison impérieuse ne les contraint pas à persévérer et s’obstiner dans leurs fables. En ce dernier cas, d’ailleurs, l’utilisation de la forgerie en mensonge fait intervenir, un élément nouveau, qui appelle des réflexions d’un autre ordre.

Ce que j’ai dit de l’orgueil et de la fréquence, chez l’orgueilleux, des personimages, aide à comprendre la rapidité du chemin que font, à travers la société, certains ambitieux. Quelque chose de plus fort que l’instinct les conduit, comme par la main, à travers les obstacles divers accumulés devant l’homme entreprenant : ce quelque chose est l’adaptation constante de leurs personimages intérieures aux circonstances. Quand la hardiesse est nécessaire, ils évoquent en eux l’ancêtre hardi. Quand c’est la prudence et la ruse, l’ancêtre prudent et rusé. Quand c’est l’éloquence, la persuasion, l’ancêtre disert et émouvant qui ne manque presque jamais à la lignée française. La violence bien appliquée — celle qui emporte tout — ne les prend pas au dépourvu. Car il en est de la violence pour les individus comme pour les masses, ainsi que l’a démontré M. Georges Sorel, dans son beau livre Réflexions sur la violence. Elle a le grand avantage de fermer une situation pour en ouvrir une nouvelle et de