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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/135

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L’ABERRATION ROMANTIQUE

presse sans discernement ni vergogne, par une critique sans boussole, ni perspectives. Je pense que le rire, la terreur et l’élan vont ensemble, comme trois chevaux attelés au même char, et que la perte de l’un des trois coursiers supprime aussitôt les deux autres. On en arrive à faire une réputation d’éloquence à une agréable cymbale comme Paul de Saint-Victor, et d’ingéniosité d’esprit à un amusant grignoteur de travers courants, comme Edmond About. À la veille de la guerre de 1870, l’antiquité est bafouée dans son charme, sa grandeur, sa mythologie merveilleuse et ardente, par les opérettes dégradantes que l’on sait. À la veille de la guerre de 1914, la fausse fantaisie versificatrice d’Edmond Rostand et le torrent alexandrin de poétesses échevelées, mais vaines, menacent de tuer la poésie, sincère. Car celle-ci meurt plus de l’excès du vocable que de son indigence, de même qu’aucun chef-d’œuvre de Rembrandt ni de Vélasquez ne résisterait à un bain d’huile, dans lequel on aurait vidé d’énormes tubes de couleur, pour faire plus beau. Apollon nous garde des serpents et serpentes qui se mordent la queue, des inspirés et inspirées qui jettent, sans arrêt, des cris perçants et trop sublimes ! Pensez à la substance immortelle qu’il y a dans un seul petit vers de Villon, à goût de pain et odeur de fumée !

Devant des cas semblables, et qui ne cessent de se produire, depuis quatre-vingts ans et un peu davantage, je songe au tambour de ville. Vous savez bien, celui qui rassemble les badauds aux carrefours