Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

culier au général, ou inversement, est toujours un passage difficile. La cryptopsychologie, bien qu’elle n’ait eu que fort peu d’adeptes, depuis Plotin, est une science qui se défend. Ce qui ne se défend pas, c’est la banalité dégénérée en signe de signe, et la supercherie de la réflexion au second et au troisième degré, laquelle peut se définir ainsi : le vide avec du verbe autour.

Cette oscillation de la littérature imaginative et de la poésie, du drame et de la comédie, entre la vulgarité et le précieux, entre la redondance banale, ou la porcherie, et l’euphuisme entortillé, frappe l’observateur du XIXe siècle, dans sa seconde partie, Elle est un signe, cette oscillation, de misère intellectuelle et de flottement moral. Les gens boivent une eau plate ou bourbeuse, ou des liqueurs de goût incertain, et de composition suspecte, qu’ils prennent pour d’exquis élixirs. Ils ont perdu le goût du vin et la connaissance des bons crus. Sainte-Beuve est mort. Qui les renseignerait ?

Deux noms de critiques nés et de grands lettrés se présentent à l’esprit : Lemaître et France. Par la fluidité, l’ironie et la compréhension, ils se ressemblèrent au début, étant l’un et l’autre de filiation renanienne. À Jules Lemaître surtout notre génération, la dernière du XIXe siècle, doit beaucoup pour le culte des véritables maîtres d’autrefois, dont il avait gardé le sens et le goût. Mais leurs scepticismes, jumeaux jusque vers 1897, jusqu’à l’Affaire Dreyfus, et leur aversion pour toute affirmation, ou négation, carrée et crue, les empê-