Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

qui vont suivre sont ainsi plus une constatation qu’une démonstration. On en excusera la forme volontairement âpre, rude et sans ménagement. Ce qui a fait la force détestable de l’esprit révolutionnaire, et sa suprématie, depuis cent trente ans, c’est la faiblesse de l’esprit réactionnaire, rabougri, dévié et affadi en libéralisme. Les abrutis, souvent grandiloquents et quelquefois du plus beau talent oratoire et littéraire, allant jusqu’au génie verbal (cas de Victor Hugo par exemple), qui menaient l’assaut contre le bon sens et la vérité religieuse et politique, ne ménageaient, eux, rien ni personne. Ils se ruaient à l’insanité avec une sorte d’allégresse et de défi, entraînant derrière eux ces stagnants, qui ont peur des mots et de leur ombre, peur de leurs contradicteurs, peur d’eux-mêmes. Ils appelaient à la rescousse la foule anonyme et ignorante, cette plèbe intellectuelle qu’il ne faut pas confondre avec le peuple, et qui n’a été, au cours de l’histoire, que la lie irritée de la nation. Il n’est rien de plus sage, ni de plus raisonnable, que le peuple français dans ses familles, ses besoins, son labeur et ses remarques proverbiales. Il n’est rien de plus délirant que cette plèbe comiciale, infestée d’étrangers, errante et vagulaire, mal définie, qui va des assaillants de la Bastille aux politiciens républicains de la dernière fournée. Conglomérat baroque et terrible (baroque en ses éléments, terrible en ses résultats), qui mêle et juxtapose le juriste sans entrailles et borné, au médicastre de chef-lieu, au ploutocrate de carrefour, au souteneur mal repenti, à la fille publique tra-