Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
AVANT-PROPOS EN MANIÈRE D’iNTRODUCTION.

naissances — il y a des plans qui tiennent assez bien, pour toute la partie non spirituelle, car la faiblesse augmente à mesure que mens agitat davantage molem, et sa fermeture à la haute psychologie, qui touche forcément à la théodicée, est totale. Mais qu’est-ce que Comte à côté de Descartes, du solide Descartes du Discours de la méthode et du poète si original des tourbillons ! Car je parle ici non du reliquat indestructible de l’imagination philosophique, — reliquat forcément réduit, même chez les plus grands, — mais de l’intensité, de la variété de cette imagination. Les tourbillons ne sont pas plus vrais en fait que les atomes de Lucrèce ; mais la fantaisie en est plus vaste et alléchante que le système étagé de Comte, avec ses mathématiques au rez-de-chaussée, et sa théologie au sixième, dans les chambres de bonne, comme on l’a fait observer.

La raréfaction et l’obscurcissement des vues générales expliquent le peu de résistance qu’a rencontré le culte aberrant des vingt-deux idoles exposées plus haut. Au lieu de dresser immédiatement contre elles les faciles marteaux, critiques et philosophiques, qui les eussent brisées, ceux qui auraient pu et dû manœuvrer ces marteaux ont fait des concessions, de forme et de fond, à ces idoles. Ils ont feint de croire à leur nouveauté, à leur intérêt, à leur fascination, à leur excellence. Ou bien ils les ont combattues, sentimentalement, sensiblement, alors qu’il fallait les combattre rationnellement, les extirper, et cela dès le début. Elles