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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

habitées : « Mon imagination est morte à Saint-Jean-d’Acre. » En outre, Napoléon Ier possédait ce don de fascination, tenant à l’allure, à la voix, à la corporéité et aussi à l’irradiation nerveuse qui, rendant la résistance d’autrui difficile, ne laisse plus subsister, comme obstacles, que les chocs en retour de la réalité meurtrie et irritée. Il y a deux sortes d’obstacles pour l’homme d’action : ceux qui viennent des gens ; ceux qui viennent des choses. Ayant surmonté les premiers, au point d’écarter de lui les assassins promis à tout grand acteur de la politique, il succomba devant les seconds. Waterloo ne fut que la somme de ses infirmités politiques, surmontant son génie militaire, et je pense que ni Wellington, ni Blücher n’y furent pour rien.

Notons en passant, que Balzac (chez qui l’historien illumine parfois, et parfois obscurcit et alourdit le grand romancier) semble avoir eu la vision du prodigieux imbécile que fut Bonaparte. Il n’osa pas la formuler nettement, parce qu’elle était encore trop proche de son objet, mais il en nota les répercussions. Il fallut attendre Masson pour avoir les dimensions de cette sottise, armée comme aucune autre ne le fut sans doute ici-bas. Heureusement que la nature ne joue pas souvent de pareilles farces aux hommes, par le canal de l’hérédité. Sans cela, le genre humain (faute de combattants) finirait en même temps que le combat.

Bonaparte n’a pas été seulement funeste à la France par lui-même ; mais encore par tous ceux qui, dans tous les domaines, se sont efforcés de