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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

ignore (le sujet étant âpre et impossible à traiter crûment) les ravages de la prostitution contemporaine dans les grandes et moyennes villes, où abondent les faux plaisirs dont fait argent, comme de tout, un État barbare. Je laisse de côté la question d’hygiène. Je n’envisage que le déplacement, le dépaysement et l’appauvrissement rural. Il est effrayant de le conjecturer.

La chouannerie, cette résistance du paysan de l’ouest et de Provence (guidé par son solide bon sens traditionnel) à l’aberration révolutionnaire, m’apparaît comme un admirable symbole. Si la chouannerie l’avait emporté (cette chouannerie scandaleusement calomniée par ce déséquilibré de Michelet), que de maux eussent été épargnés au pays ! Que de guerres supprimées, quel déluge inutile de sang ! La chouannerie violente a été vaincue, mais une chouannerie latente et vigoureuse a continué à mettre en garde les campagnards contre l’épilepsie urbaine et ses délégués les plus notoires. Il est de mode de dénigrer le hobereau, le petit seigneur demeuré dans son patelin et qui maintient celui-ci, en se maintenant. Honneur au hobereau du XIXe siècle, honneur à sa résistance souvent difficile, honneur à sa prévision et sa clairvoyance ! Un des derniers étais fut son castel au milieu des chaumières sacrées ; et je souhaite, pour mon pays, que le temps à venir (par un de ce ces détours habituels à la Providence) le multiplie, ce hobereau français, en relevant son autorité. Transformé ou non, le hobereau sera toujours cher au roturier, comme moi,