Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
STUPIDITÉ DE L’ESPRIT POLITIQUE.

De nombreuses études, pénétrantes et documentées, ont été écrites sur ce rôle d’endormement et de perturbation de l’opinion par la grande presse, au premier rang desquelles celles de Drumont et d’Urbain Gohier. Corruptio optimi pessima. Rien de pire que la corruption du meilleur. Cette devise peut et doit s’appliquer à ce journalisme intensif, dont le XIXe siècle, dit « des lumières », s’est montré si vain. Le régime d’assemblée, en donnant le pas à l’effet oratoire sur la sincérité, a naturellement développé outre mesure cet esprit d’hypocrisie, qui s’est identifié aujourd’hui avec l’esprit démocratique, et qui alimente le journalisme quotidien. Il faut se rendre compte de ceci, qu’aux yeux de la masse, du suffrage universel, ce qui est imprimé bénéficie, encore maintenant, d’un prestige considérable. Il n’y a qu’à voir avec quelle facilité les foules révolutionnaires acceptent et adoptent les bourdes et bobards de leurs feuilles habituelles. Cette déconcertante crédulité n’est même pas ébranlée par les chocs et les contre-chocs du réel. Les êtres simples croient ce qu’ils lisent parce qu’ils ne lisent, en fait, que ce qu’ils croyaient préalablement. Ils cherchent, dans leurs lectures, le reflet et l’exaltation de leur ignorance et de leur duperie.

À partir de 1830 environ, on distingue, en France, deux catégories de journaux et de périodiques : ceux qui sont des entreprises commerciales d’un genre plus relevé, ayant à leur tête un homme d’affaires, frotté de littérature, un imprésario doué d’un certain flair, dont le type est un Bertin pour les Débats, un