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CHAPITRE II


Un dimanche matin, Trub me dit : « Mon cher Félix, Joseph Malamalle est en excellents termes avec le directeur d’une prison. Nous aurons l’aubaine aujourd’hui de contempler une exécution électrique. »

Quand nous fûmes devant l’édifice sinistre, mon compagnon présenta la carte de Malamalle à un guichet rébarbatif creusé dans le mur. Une lourde barrière de fer tourna sur ses gonds. Après une petite cour, une petite porte, puis des corridors et des grilles. J’en comptai jusqu’à six. À chacune d’elles, un geôlier nous examinait des pieds à la tête et réclamait notre passeport, auquel Trub joignait une pièce de quarante sous. Le formalisme est frère de la vénalité. Finalement nous aboutissions à un dernier couloir obscur rempli de gens. Je reconnus plusieurs silhouettes de médecins juges, le stupide Cercueillet, préposé aux exécutions, Mouste, chargé du rapport officiel, l’important Canille, un groupe d’élèves de troisième année. Ceux-ci assistent par nécessité à ces manœuvres homicides qui sont dans le programme de leur examen. Ils s’entretenaient avec un reporter de Cloaquol : « Alors, vous pariez Cortirac. Mais Sidoine ne meurt pas, et d’ici là Wabanheim est capable… On raconte que Mme Avigdeuse est à l’agonie… Qui avez-vous à votre jury du troisième Lèchement ?… Bradilin m’a promis d’agir. » Ces propos étaient pressés et comme étouffés entre des dos, des