Page:Léon Daudet - Les morticoles, Charpentier, 1894.djvu/237

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néfastes. Au reste, il ne dévore plus que pierres, la plupart des habitants étant emportés par le fléau. Signé : Truffié, sous-directeur des vidanges, délégué du professeur Crudanet. »

Troisième télégramme : « Les membres du Parlement, réunis en assemblée plénière, et les Sénateurs envoient à leurs collègues de la Faculté et des doctes Académies leurs plus chaleureuses félicitations pour l’attitude si ferme et si courageuse qu’ils gardent pendant l’épidémie. » À quoi le Bureau répondit séance tenante : « Les membres de la Faculté et des Académies, réunis en assemblée plénière et vigilante, envoient à leurs collègues du Parlement et Sénateurs leurs remerciements les plus chaleureux. »

Ensuite Canille donna la parole à Tartègre qui discuta les mesures consécutives. Il demandait qu’on exilât les familles suspectes et qu’on submergeât d’acide phénique une partie de la ville. Ces propositions furent adoptées.

Canille se leva, et du ton le plus grave : « Mes chers collègues, messieurs ; j’ai un grand malheur à vous annoncer : notre vieil ami, le professeur Sidoine, vient de succomber, non au fléau, mais à une indigestion qui l’a emporté en quelques minutes, au moment où il accourait se joindre à nous et nous éclairer de ses précieux conseils. Je lève la séance en signe de deuil. »

Cette nouvelle inattendue souleva un violent tumulte. Enfin la succession de Sidoine était ouverte ! On se montrait Wabanheim et Cortirac, à gauche et à droite de Canille, nerveux, hardis et frémissants, dès cette heure adversaires résolus. Les moindres partisans de ces candidatures fameuses vibraient. On oubliait l’épidémie. Dans le coin où j’étais, quelques élèves de quatrième année pointaient avec fureur et prédisaient la victoire de Wabanheim : « Je la souhaite, affirmait l’un ; car, au prochain