TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE PREMIER
Wabanheim était un vieillard robuste et retors, aux regards inquiets et aux combinaisons infinies. Je fus vite dans les bonnes grâces de sa femme de chambre, Mlle Hélène, de la cuisinière et d’un campagnard destiné aux gros ouvrages. Je devais jouer un rôle de demi-secrétaire. Ce n’était pas une petite chute que de tomber du rang d’étudiant à celui de domestique ! Les caquetages de mes nouveaux collègues me procurèrent quelques distractions. J’appris ainsi que Mme Sarah Wabanheim, brune au teint mat, aux yeux impressionnants, à la démarche languissante, et beaucoup plus jeune que son mari, affolait celui-ci par ses dépenses et sa toilette. L’argent était entre eux un sujet de disputes continuelles. Madame souffrait d’habiter un quartier qui n’était pas le plus beau des Morticoles, d’y occuper un appartement modeste et meublé avec une parcimonie ridicule. Le salon, aux meubles d’acajou, où s’empilait la clientèle les jours de consultation, abritait une armée de bronzes allégoriques, offerts par les malades reconnaissants. Je songeais, en les époussetant, à la naïveté de leurs donataires.
De fait, mon maître était effrayant. La race juive forme