Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/131

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Lorsque, pris la main dans le sac à Judas — comme par exemple au moment de l’affaire Syveton où il se fit, dans son journal, l’auxiliaire de la police — il redevient le misérable petit juif du sixième du faubourg Saint-Honoré, que frictionne son premier témoin, il est malaisé de résister à sa mine défaite, à ses supplications. Mais le lendemain il s’est secoué, ébroué, et l’on retrouve, plus flambant que jamais, l’indiscret braillard de l’avant-veille. Cette faculté de redressement n’est pas moins sémite que le reste. De la couleuvre avalée il fait un nœud de cravate, du crachat une décoration, du coup de pied dans le derrière un petit fauteuil. C’est la marionnette inrenversable, qui retombe toujours sur ses pieds. Pour l’écraser définitivement — en admettant que la chose fût possible — il ne faudrait pas le voir pendant qu’on l’écrase.

Néanmoins, son action la plus noire, sa trahison la plus basse, ce fut le livre doucereusement perfide, empoisonné, puis glacé au sucre, qu’il a consacré récemment à notre très chère amie madame de Loynes, sous le titre : Ce que je puis dire. Le misérable homme a accumulé là, avec une scélératesse sournoise et calculée, les pires racontars, les allusions les plus fétides, les plus sales suppositions, sur la tombe d’une femme généreuse qui n’avait eu pour lui, comme pour tous ceux qui l’approchaient, que longanimité, mansuétude et bons procédés. Il s’est vengé ignoblement sur cette morte, que tout lui ordonnait de respecter, des coups que le journal l’Action française lui portait à visage découvert. Il a assouvi là, en hyène circoncise, sa haine contre le nationalisme, dont il a vécu, qu’il a trahi, et qu’il voudrait éperdument salir. Cela, c’est un crime inexpiable, et dont Arthur Meyer, directeur du Gaulois, n’a pas fini de rendre compte.

Au milieu de tout ce tumulte, la question juive était posée. Pour beaucoup de Français, ce fut une révélation. Les juifs, naturellement, la trouvèrent mauvaise, et les enjuivés pire encore ; leur principale, leur unique défense consistait à relever les erreurs de détail, que renferme forcément une œuvre vaste comme la France juive, accomplie dans des conditions où le contrôle n’est pas toujours commode. Pour le reste, ils s’en remettaient au temps du soin d’éteindre cette querelle, comme il en a éteint tant d’autres. Mais, chose singulière, plus les années passent, et plus l’antisémitisme, en France, croît en