célèbres pour leur exécrable table et énuméraient les horreurs compliquées que l’on y dressait. Coppée et mon père abondaient en détails horrifiques sur les menus de Pailleron et de Charles Buloz, comme si une malédiction gastronomique eût pesé sur la Revue des Deux Mondes.
— On vous sert là, — gémissait Coppée, — de ces oiseaux en forme de côtelettes, qui n’ont plus ni pattes, ni bouche, ni derrière… Oui, oui, c’est affreux… et la barbue a l’air d’un gilet de flanelle.
— Le mancenillier des familles, — ajoutait mon père, — quel beau titre pour une revue à couverture saumon !
Cependant Banville, chassant sa fumée, une petite calotte de
velours sur le crâne, célébrait certains restaurants d’autrefois,
où les garçons, « admirables de discrétion, vous me comprenez,
mon cher ami », — je l’entends toujours serrer les dents,
de sa voix fine, un peu nasillarde — « ne vous forçaient point
à manger des reliefs et hachis de la veille, baptisés de noms
extravagants ». Goncourt déplorait la fin du salmis de bécasses,
ancienne gloire des cuisinières lorraines.
— Allons, voyons, Toto, intervenait doucement Mme de Banville,
il faut consoler M. de Goncourt. Nous lui ferons un salmis,
à notre mode, la prochaine fois.