a devise de Mme de Loynes, gravée sur son papier à lettres,
la peignait : Je ne crains que ce que j’aime. De femme ou
d’homme plus naturellement brave qu’elle, plus solidement
trempé, cédant moins aux suggestions de la crainte ou de la
paresse, je n’en ai pas connu. Frêle et délicate comme une
fleur, au physique, craignant la fatigue et les courants d’air, le
changement d’heures des repas, les disputes à table et les
effets de la médisance, elle eût affronté tous les périls et tous
les démons « pour la cause du pays », comme elle disait. Bien
qu’appartenant, par ses goûts et ses habitudes, à la génération
du second Empire, elle avait tiré la leçon de la guerre de 70-71,
comme elle tirait la leçon de tout. Car elle n’avait cessé
de perfectionner, avec les années, son art d’observer et son
penchant politique. Jamais elle ne lâchait un partisan, ni un
ami. Jamais elle ne le laissait attaquer, absent, devant elle.
Jamais elle n’oubliait un service rendu, ni un affront. Jamais
elle ne cédait au malin plaisir de dénigrer les travers d’un
homme utile ou dévoué, le physique d’une amie fidèle. Jalouse
en amitié et passionnée dans ses sympathies, elle poussait en
avant ceux qu’elle aimait, cherchant à leur faire donner le
plein de leurs qualités et de leur activité. Elle prenait les
timides par la main, elle réprimait doucement les audacieux,