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CHAPITRE III
LE SALON DE MADAME DE LOYNES
(suite)


Les souvenirs de Mme de Loynes. — Coppée. — Bailby.
Léon de Montesquiou. — Berthoulat. — Antoine. — Guitry.
Le Dr Landolt. — Drumont. — Hourst. — Boni de Castellane.
Costa de Beauregard. — Faguet. — André Beaunier. — Grosjean.
Paul Déroulède et Marcel Habert. — Le peintre Bérény.
La Massière et Bertrade. — Le peintre Humbert.
Au Parc des Princes.



Jai dit que Mme de Loynes avait reçu chez elle deux générations d’hommes politiques et d’écrivains. Elle gardait un souvenir tendrement ému à plusieurs d’entre eux, notamment à Renan, Sainte-Beuve, Flaubert et Girardin. Quand ces noms tombaient dans la conversation, elle commençait par pousser un petit soupir. Ses beaux yeux limpides s’embuaient de tristesse et elle semblait songer : « Comme ils ont passé vite ! » Puis discrètement, finement, comme elle faisait tout, elle citait d’eux une parole ou une circonstance qui les mettait en belle lumière. Les uns et les autres lui confiaient leurs peines de cœur, leurs embarras domestiques, leurs rêves ambitieux, leurs déconvenues. Car elle possédait ce don si rare, que je n’ai connu au même degré que chez mon père, d’inspirer non seulement une confiance absolue, mais le désir de s’épancher. Cela tient sans doute à un potentiel de sympathie, ou mieux de compassion attentive, qui donne aux blessés de la vie, fréquents aussi parmi les privilégiés de la vie, le sentiment qu’ils seront consolés. Pour entrer dans les peines d’autrui, il ne faut être ni pressé ni distrait. Mme de Loynes n’était ni pressée ni dis-