en’est plus guère l’habitude des hommes de lettres et des artistes de se réunir dans les cafés, comme il y a trente ou quarante ans. Néanmoins, entre 1900 et 1905, un certain nombre de mes contemporains et d’hommes de la génération précédente
se retrouvaient volontiers dans la soirée chez Weber,
rue Royale. Je ne me rappelle pas comment, ni dans quelles
conditions ce rite aimable avait commencé. Ce que je sais, c’est
qu’un long jeune homme pâle, nommé « monsieur Chantepie »
nous plaçait, nous souriait affectueusement, venait nous demander,
tous les quarts d’heure, si rien ne nous manquait, si nous
étions contents du service. De son côté le maître d’hôtel
Charles qui a un bon et rond visage, un empressement affectueux
et l’habitude de la clientèle, veillait à la confection du
welsch-rare-bit ou du bœuf en salade, auxquels recouraient
volontiers nos appétits creusés par un dîner en ville et les
vaines conversations du fumoir. Il y a plus de variété, plus
d’imprévu et de pittoresque dans ces réunions-là que dans le
monde. On s’y guinde moins. On peut changer de place et
planter là un raseur. Les avis s’y expriment avec plus de
bonhomie et de crudité. Si je dis chez Weber : « Quel abruti
que ce Doumic, quel intrigant et quel ennui il répand partout
où il se gîte », cette proposition ne cause aucun étonnement,
aucun émoi. Il n’en serait pas de même à la Revue des Deux
Mondes, chez telles ou telles personnes que je pourrais citer.
La nullité bavarde, poétique et dramatique, des divers membres