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la maternelle

tant les offres dérisoires ? bétail dépréciateur, désastreusement préposé à éterniser les salaires faméliques par sa production médiocre, lente, résignée ?

On ne se représente guère une famille fondée par les Berthe Cadeau, par les Gabrielle Fumet : ça doit disparaître on ne sait comment, sans laisser de traces… Ou alors, tout l’opposé ; ça pourrait avoir des enfants, des avortons, beaucoup, sans conscience, par veulerie, presque par maladie, comme un animal a des portées successives… des enfants que ça laisserait croupir, sans les soigner… Heureusement que l’école va infuser son sang « à ces visages pointus ».

Au-dessous, il n’y a plus à mettre que Berthe Hochard, l’arriérée de chez Mme Galant : elle reste des heures immobile, assise ou debout, paraissant ne rien voir, ne rien entendre. De face, les yeux perdus dans l’espace, la bouche fixe entr’ouverte, les joues inertes, elle évoque l’idée d’une humanité à bout de souffrance, arrivée à l’éternel repos. De côté, l’on s’aperçoit qu’elle a la tête déformée, cabossée, aplatie, comme par de monstrueuses gifles et que les traits broyés tiennent leur expression immuable d’une superposition d’abominables épouvantes. Et l’on se demande quelles étapes affreuses la race a pu gravir, combien il a fallu de générations suppliciées pour aboutir à un tel anéantissement dans l’horreur ! Et l’on se demande qui a pu souffleter d’un tel outrage indélébile la majesté humaine !