Je ne saurais trop approuver l’importance donnée à l’éducation morale ; mais j’entrevois une difficulté : chaque maîtresse gouverne un trop grand nombre d’élèves. Le temps lui manque pour les morales particulières, appliquées ; il faudrait, à tout moment, prendre tel ou tel enfant sur le fait et dire : « Tu as mal agi, parce que… » On s’y astreint dans la mesure du possible, mais combien insuffisamment !
Ainsi, au retour du déjeuner, Louis Clairon avait battu sa mère dans l’entrée du préau. Tandis qu’il reniflait et se fourrait les poings dans les yeux, Mme Galant baissée à sa taille l’a morigéné doucement devant les camarades.
— Tu ne le feras plus jamais ?
— Oh ! non.
— Elle est bonne, ta maman, tu l’aimes bien ?
— Oh oui ! elle m’a acheté des bonbons en chemin.
— Tu vois ! il ne faut pas la rendre malheureuse ; pourquoi l’as-tu battue ?
— Pour faire comme papa.
Je me rappelle que Mme Galant a coupé là trop court ; un tumulte s’élevait sur les bancs, Gillon poussait des cris exagérés.
— Veux-tu te taire ! ordonna-t-elle.
— Non, je ne me tairai pas… hi… hi… hi…
— Qu’est-ce qu’on t’a fait ?
— On m’a fichu des coups de pied.
— Eh bien, toi, quand tu en donnes aux autres ?
— Plus j’en donne, plus i’m’en rendent… alors, alors, hi… hi… hi, ça n’me console pas…