Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

remuent le dos de Mistigris, ses poils font l’effet de l’herbe soufflée par le vent. Il se tient de plus en plus tendu d’attention, forcé de laisser entrer toute la peine et tout le reproche de la mère. Et le voilà torturé aussi de cette tristesse de toutes les choses qui se jette et s’amasse en lui. Il ouvre la bouche pour miauler, aucun bruit ne sort. Il veut se détourner, mais non, sa tête revient, il faut qu’il écoute.

» Encore des frissons le long de son corps, et la plainte frappe sans rémission, toujours pareille et il est malheureux, il ne peut rien, rien. Cela devient tellement intolérable qu’il arrive à faire vers sa maîtresse un miaulement suppliant :

» — Je t’en prie, délivre-moi, fais-la taire !

» La vieille dame écoute l’oiseau, malheureuse aussi, les deux mains sur ses genoux, ayant laissé tomber sa tapisserie par terre. Elle répond tout bas, gravement :

» — Non, non, Mistigris, tu as mangé ses petits.

» Mistigris reste cloué là et ne répète même pas son miaulement misérable.

» Tout à coup, il essaie encore de jeter sa tête de biais, son dos tressaille d’une secousse violente et ses oreilles s’aplatissent : voilà qu’il a peur !

» En effet, le cri de la mère change ; maintenant c’est un cri de colère : « Ah ! tu ne veux pas me rendre mes petits ! » C’est un cri de colère terrible, irrésistible ; il révolte l’air tout autour.

» Et un oiseau arrive près de la mésange, sur une branche : c’est le père des petits oiseaux mangés.

» — Va ! va ! crie la mère.