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La Maternelle




Je fus fiancée à vingt-trois ans. Il était temps.

Par une grâce, dit-on, assez rare, le surmenage des études classiques n’avait rien détraqué en moi, la longue attente virginale n’avait pas perverti mon imagination. Élevée sans mère depuis l’âge de douze ans, j’étais très simple, très saine, très « nature » : de visage coloré, de caractère gai, de gestes vifs. Mais, enfin, il était temps que la certitude d’un prochain mariage vînt secourir la belle patience de mon tempérament.

Mon fiancé avait le profil chevaleresque d’un Louis XIII adouci, et sa conversation mettait en poésie les plus ordinaires circonstances de la vie. J’éprouvais auprès de lui une exaltation heureuse, tout en pensée. Après son départ, je me sentais alourdie, comme si mon corps même portait aussi une rêverie à bientôt exhaler.

Or mon père mourut subitement de l’issue désastreuse d’une affaire d’argent.

Je me trouvai, du jour au lendemain, orpheline,