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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/18

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la maternelle

pauvre, délaissée, car la poésie de mon fiancé ne survécut pas à la perte de ma dot. Et je ne pus empêcher ma douleur d’amante d’envahir ma douleur filiale.

Un seul parent me restait : un oncle, vieil officier retraité, qui, naguère, avait été profondément indigné de mon succès aux examens du baccalauréat et de la licence ès lettres. Il consentit rageusement à me recueillir.

Après deux mois de solitude larmoyante, l’inévitable réaction afflua. Je n’avais pas en vain frôlé de si près le mariage : j’éprouvai le besoin de sortir, d’agir, de vivre.

Un soir, au retour d’une promenade séduisante et triste, commencée lentement, puis raccourcie de pas rapides, je prononçai cette inflexible décision qui devait être la sauvegarde de ma sagesse : « Il ne faut pas que je m’ennuie ». Et je priai mon oncle de me chercher d’urgence un emploi dans l’enseignement.

Mon oncle se flattait justement de quelques accointances au ministère. Il ne tarda pas à rapporter ce déplorable renseignement que je ne serais jamais institutrice primaire : toutes les places étaient promises, plusieurs années à l’avance, et d’ailleurs je n’avais pas le diplôme voulu.

— Comprends-tu ? me disait-il avec une aigreur qui n’était pas exempte de triomphe, le brevet d’aptitude à l’enseignement primaire, c’est le brevet élémentaire. L’as-tu ? Non. Eh bien, tu collectionnerais tous les diplômes de la création : licenciée, doctoresse, agrégée, académicienne et même