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la maternelle

me trahissait : les employés me toisaient, mal disposés :

— Femme de service ?… Il faut des aptitudes. J’avais beau torturer ma pauvre tête pour trouver le mot trivial, pour forger la tournure de phrase incorrecte, j’avais beau m’appliquer à faire des cuirs, ces messieurs se méfiaient ; une prévention hostile se devinait sous leur politesse étriquée.

— Les emplois de femme de service sont des emplois modestes, qui ne permettent aucune ambition, mais qui exigent des qualités pratiques sérieuses. On les destine de préférence à des personnes de condition ordinaire, sans prétentions. C’est qu’il s’agit de ne pas dépasser le niveau, quand on brigue un emploi !

On n’obtient rien sans effort. Je travaillai. Je lus des feuilletons populaires, je me bourrai des œuvres les plus dénuées de style. Je fus assidue jusqu’à l’anémie.

Ah ! j’en ai attrapé des maux de tête, des vertiges, à désapprendre !

Je l’ai compris plus tard : dans les bureaux, j’aurais dû rire bêtement et complaisamment en tortillant la pointe de mon corsage, les paupières baissées, l’air subjugué ; j’aurais dû peut-être laver moins mes mains, répandre sur ma robe un peu d’eau-de-vie, de façon à présenter l’odeur de ma condition ; sait-on les choses qui donnent confiance à l’administration ?

Heureusement je sus recevoir à la figure, en fille qui a quelques motifs de honte, la supériorité rica-