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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/223

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tranquille, Virginie a le fin sourire ; elle sait que son papa est un malin, au-dessus de toutes les vérités.)

Certains parents ont de l’amour-propre. Tant pis pour l’estomac des enfants.

Les deux petites Cadeau sont nourries à la cantine dix jours de suite ; puis interruption : censément elles vont déjeuner à la maison. C’est la fin de quinzaine et l’on n’a plus quatre sous à leur donner pour la cantine. Il suffirait d’un mot à la directrice pour arranger les choses. Non ; le boulanger fournit à crédit. Se tenant sagement par la main, les deux petites Cadeau sortent prendre une livre de pain, le mangent dans la rue, par la pluie et par la bise, et quand le temps convenable est écoulé, elles rentrent en s’essuyant la bouche, comme les gros gourmands, les lèvres grasses, à plusieurs reprises, sur le poignet.

20 février. — À cause de ma camaraderie, de plus en plus cimentée, avec les mamans d’élèves, je subis des conversations inouïes.

Un soir, comme je sortais, mon ouvrage terminé, à sept heures passées, deux femmes flanquées de leurs mioches bavardaient devant la porte de l’école ; certainement leur exorde remontait à plus de trois quarts d’heure. Il gelait assez fort.

Elles se séparèrent et l’une d’elles, Mme Pluck, m’accompagna jusqu’à ma porte, tout en parlant « dare-dare » sans perdre de temps :

— Hein ? croyez-vous que ça a de la chance les