Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/225

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J’ai pensé ne pas en être quitte avant minuit. Des hommes entraient dans la gargote, puis sortaient et nous apostrophaient :

— Vous feriez bien mieux de rentrer jacter devant le comptoir ; ça serait un vermout que je picterais, si toutefois j’étais pas de trop.

La chère amie m’a raconté toute sa vie. Du reste, c’est leur manie, aux femmes du quartier : dévider toutes leurs affaires à la personne la moins connue, dès la première rencontre.

Et alors, maintenant, chaque fois que la mère Pluck peut m’attraper dans la rue, elle n’a plus besoin de préambule ; c’est toujours la même histoire qui continue :

— Comme je vous le disais… les femmes ont nécessairement quelque chose qui cloche du côté du ventre, mais moi, déjà, étant gamine, avec cette poussière de matelas qui se logeait partout…

Je suis forcée de faire des progrès. Il n’y aura bientôt plus de différence, au point de vue conversation renseignée, entre moi et n’importe quelle matrone de Ménilmontant.

Tous les samedis matin à six heures, je suis guettée par la mère de Léon Ducret ; elle est employée comme extra chez le vins-hôtel meublé attenant à l’école.

— Parce que, le samedi soir, ça se succède les chambres, et il faut préparer tout un matériel, m’a-t-elle expliqué.

Elle est enceinte. Sa première causerie s’est limi-