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la maternelle

de santé morale, une manie élevée à laquelle je dédierais tout mon idéal et qui userait toutes mes virtualités.

Donc, par impulsion romanesque, — sans doute parce que j’avais lu des livres où le personnage intéressant, à un moment bien choisi, se mettait à buriner ses mémoires, — je résolus d’écrire le journal de ma vie à l’école, le journal de ma vie rapportée à l’observation passionnée des enfants.

D’ailleurs, pouvais-je mieux trouver ? Puisque des enfants composaient mon entourage permanent et que j’avais un si douloureux besoin de penser et d’aimer !

Si quelques-unes des pages de ce journal paraissent trop singulières, il faudra se rappeler mes espérances brisées, ma déchéance, ma solitude. Il faudra se représenter, dans une chambre au sixième étage, à Ménilmontant, la licenciée ès lettres, en tablier bleu de service, qui méditait dans le froid de l’hiver sans feu, ou dans la fournaise du toit surchauffé, — après la fatigue corporelle et après cette compression hiérarchique, émule d’une main sale sur un front délicat.

On jugera peut-être que de terribles forces vitales griffèrent leur rébellion sur le papier. D’accord.

Mais si, malignement, on dénonce l’hallucination d’une malade sentimentale, si l’on raille l’obsession d’une persécutée « trop bonne à marier », — je proteste !

Une personne qui m’est chère prétend, — avec la