Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/237

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du premier jour, rien qu’à sa façon d’appeler Mlle Bord « la normalienne », et moi-même, depuis, j’ai constaté non seulement une dissemblance, mais un antagonisme entre les institutrices. La normalienne se croit d’une autre essence que sa collègue ; elle juge inférieure et « popotte » toute institutrice qui ne sort pas de la fabrique spéciale. Mme Galant est quelque peu médisante et ironique à l’égard de Mademoiselle.

Dès qu’un problème me tracasse, il faut que j’en glose — directement ou indirectement — toute seule et devant le monde. J’ai pris ce travers de m’entretenir avec moi-même (à preuve ces notes que j’écris) et je marmonne à demi-voix, en allant et venant, dans le préau, dans l’escalier, dans la cour de l’école ; c’est le tic des gens solitaires et aussi c’est bien « peuple » ; avec cette habitude et la manie de siffler en frottant, je suis tout à fait « de mon métier ».

En outre, machinalement, pendant notre quart d’heure de déjeuner, je lance à Mme Paulin des paroles qu’elle ne peut comprendre, faute d’en connaître les préoccupations de départ, et elle me regarde sans répondre, un peu alarmée de mon état mental.

— Je voudrais bien savoir ce qui se passe à l’École normale, dis-je inopinément, entre deux bouchées.

Mme Paulin saute de sa chaise, comme piquée au plus gras ; elle achève de retrousser ses manches au-dessus de son coude, essuie le bout de son nez