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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/279

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Je placerai ici un morceau de la seule histoire que je tienne de la concierge de l’école.

Un matin, environ un mois après mon entrée en fonctions, elle m’a priée, une fois pour toutes, de l’excuser si jamais elle ne m’adressait la parole. Elle avait failli perdre sa place pour avoir eu la langue trop longue : depuis lors, elle était habituée à un mutisme complet.

Sa mésaventure se rapportait à cette Mlle Tourneur, la phtisique frappée par les élèves, et dont elle avait voulu indûment prendre la défense.

Je ne reproduirai pas toute sa conversation. Seulement cette citation :

Une fois, un monsieur philanthrope, délégué de l’enseignement à je ne sais quel titre, fut introduit dans la classe de Mlle Tourneur, inopinément, à un moment malencontreux. Quel était ce spectacle des petits malheureux du quartier des Plâtriers battant leur institutrice parce qu’elle était malade, pauvre et trop douce ! personne ne le dira. Mais voici ce qui est arrivé ensuite : on a vu le M. délégué venir jusqu’à la porte de l’école, jamais plus il n’a pu se décider à entrer. Il dévalait sur le trottoir, il toussait, tapait du talon… ah, ouitche ! à peine dans le vestibule, il faisait demi-tour, la figure décomposée, comme un poitrinaire à bout. C’était pourtant un gros sanguin décoré de la médaille militaire, un ancien syndic de la boucherie, un homme qui avait tué des bœufs…

À propos ! ces dames ont épilogué avec effare-