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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/305

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ne parlait pas, n’agissait pas, il ne cherchait qu’à se cacher ; sitôt lâché par sa mère, il se réfugiait effaré dans les jupes de la maîtresse présente. Pareil à un chien qui discerne les personnes amies des bêtes, il m’avait devinée, sa préférence était pour moi. Aux heures de présence dans le préau, — à moins d’employer la menace, — il me suivait partout, en tenant un coin de mon tablier. « Il ne me gêne aucunement, disais-je à la directrice », et, le plus souvent, on tolérait sa manie. Ma pitié pour lui différait complètement de mon affection souriante pour Irma Guépin, « ma fille ».

Son âge le plaçait chez Mme Galant ; mais il se désolait tant de monter l’escalier sans moi, qu’on le laissait dans la petite classe. (Je crois aussi que, chez Mme Galant, il faisait un pendant trop lamentable à Berthe Hochard.)

Assis au premier rang, dans la classe de la directrice, les mains sur les genoux, une épaule remontée par l’habitude de la peur, avec sa figure trop longue, toujours pochée, on aurait dit qu’il comptait interminablement les coups reçus et les coups à venir ; à chaque bruit de l’école un peu accentué, râclement de galoche, ou bien choc sur le bois du bureau, une secousse remuait son dos étroit, cassé, osseux. Quand la directrice racontait de gentilles historiettes : « Vos parents sont bons — ils n’agissent que pour votre bien — votre papa et votre maman se donnent beaucoup de peine pour que vous ne manquiez de rien… » je me suis souvent demandé comment elle n’était pas fascinée par le