Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/306

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poche-œil de Gaston Fondant irradiant vert, jaune, noir, à la rencontre de ses paroles.

Pendant la récréation, Fondant restait isolé, immobile contre le mur ou contre le marronnier. Les autres gamins, quoiqu’ils fussent pour la plupart des enfants battus eux-mêmes, le délaissaient, sans affectation, par instinct simplement : il sentait trop les coups. De temps en temps, seulement, l’un des quelques enfants gâtés de l’école s’approchait, venait flairer avec une curiosité prudente la chair massacrée de Fondant.

À la voix de sa mère, le soir, son peu de sang se sauvait du visage et se cachait vite dans son cœur.

— Hein ! croyez-vous, il ne veut pas venir, il coucherait à l’école, grinçait la mégère. Ah ! le sale enfant ! il est jaloux des autres… Quant à ça, tu peux y compter, plus tu auras de frères, plus tu recevras de raclées !

Oui, je le crie, je l’affirme, je le râle : les pauvres commettent un crime en ayant beaucoup d’enfants, puisqu’alors — selon leur propre théorie — ils sont obligés de les maltraiter.

Et l’abomination va bien plus loin qu’on ne pense : si la famille est mauvaise, l’école est mauvaise à proportion, puisque son enseignement moral est basé sur la famille supposée parfaite.

Le jour où j’ai débuté, Mme Paulin m’a offert cette sentence en cadeau : « Quand il y a tant de brutalités à la maison, il en faut absolument à l’école. »