Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/313

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mes frères et sœurs. Mais enfin : onze enfants, c’est une belle famille et mes parents, à cause de cela, avaient bien de la considération, jusque dans les pays d’alentour.

Mme Paulin attendrie levait des yeux extatiques. Une immense lassitude a coulé par mes membres, je n’ai même pas essayé d’exposer que la famille cesse dès qu’il y a trop d’enfants, puisque, forcément, on ne se connaît même pas entre frères et sœurs. J’ai mis plusieurs minutes à plier ma serviette dans la perfection et Mme Paulin a dit :

— Nous sommes riches, vous mangez de moins en moins.

(C’est vrai : je perds l’appétit. Je suis brisée sans avoir travaillé. Je subis des attendrissements qui ne se rapportent pas aux enfants…)

(Il ne vient plus. J’ai obtenu satisfaction. Dans la journée, je me plais à observer sur le visage de Mme Paulin un certain vieillissement, — comme le reflet transmis d’une souffrance… Qu’est-ce que j’ai à pleurer, la nuit, dans ma chambre ?… Le dimanche, je redoute une visite de Mme Paulin, — ne suis-je pas déçue, le soir venu, de n’avoir vu personne !)

Nous avons fait le service du déjeuner, nous avons donné la pâtée à notre misérable troupe, nous avons compté ceux qui n’ont jamais de pain, ceux qui en manquent aujourd’hui, mais qui boiront la valeur d’une chopine de vin pur, ceux qui ont du dessert.

Les convives doivent attendre que toutes les