Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/319

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accommodé sa poupée à son idée, avec des mouvements de tête sérieuse, penchée à droite, penchée à gauche ; elle a ramassé ma main gauche et l’a mise sur mon genou, pareille à la droite. Je renonçais au moindre automatisme. Satisfaite de ma pose, elle a passé derrière le banc et a piqué sur ma joue, de côté, un baiser « de petite maman », réservé aux têtes de poupée, puis elle est retournée s’asseoir auprès de Tricot.

— C’est ta mère qui viendra te chercher ? a-t-elle demandé.

— Je ne sais pas, maman pleure.

— Pourquoi qu’elle pleure ?

— Parce que papa l’a battue… (avec fierté) tu sais, il est fort papa, quand il cogne, ça rebondit !

— Pourquoi qu’il l’a battue ?

— Parce qu’il trouve que le peintre vient trop souvent à la maison.

Silence. Méditation profonde de part et d’autre.

— C’est peut-être ta sœur qui viendra ; dans quelle classe qu’elle est ?

— Dans la classe du certificat d’études. (Un geste péremptoire, une voix d’absolue certitude). Si Maurice est là pour lui faire la cour elle ne viendra pas ; elle se fiche pas mal de moi dans ces moments-là. Veux-tu qu’on joue à se faire la cour ?

— Comment qu’on fait ?

— ……………

— Ah bin, non, t’as les mains trop noires…

Silence. Dans la vaste paix du préau, un petit rachitique dort, recroquevillé, en équilibre sur le