Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/345

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la Souris, sa mère et le poussin qui m’ont dépassée sans me reconnaître.

Mme Cloutet allait à grands pas, courbée, le poussin pleurait lugubrement sur son bras ; elle avait un air d’évasion muette. La Souris tenait son jupon, obligée de courir pour la suivre, et elle levait son visage sérieux, doux, ses petites jambes se hâtaient, son petit tablier noir flottait, et elle disait d’une voix maternelle, pénétrante et indulgente :

— Il est bien petit, ton poussin, maman, mais il est bien méchant.

Je n’ai pas voulu continuer dans la même direction ; du reste, on apercevait le boulevard extérieur.

Si je m’asseyais sur un banc ?

Et demain ? Qu’ai-je donc décidé ?

Les gaz s’allumaient, des gens équivoques circulaient. J’ai subi l’apparition de Gillon donnant le bras, de force, à Julia Kasen, délicate et jolie. Gillon représente toute une race savourant la beauté à sa manière ; sans doute répète t-il quelque façon paternelle, car il éructe avec sonorité et prononce d’un ton de domination gaillarde :

Quante j’aime, v’là comme je soupire !

Oh ! sur moi, les yeux de pervenche de Julia Kasen !… Debout !

Je ne me suis plus ralentie avant d’avoir atteint ma rue des Plâtriers ; l’ombre s’accumulait propice aux frôlements audacieux et aux talonnements qui accompagnent : quante j’aime, quante j’aime…

Enfin, je suis arrivée devant l’école, croulante de lassitude et rentrée dans mon bon sens, c’est-à-dire