Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/344

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— Eh ! toi, là-bas, ne file donc pas comme ça ! Tes deux sous de cantine, s’il te plaît ? demandait la directrice.

— Je les ai pas ; papa en a pas.

— Je croyais… (Elle allait dire : Je croyais que tu n’avais pas de papa.)

L’enfant continuait :

— Il attend que maman lui en envoie, elle lui en envoie pas.

— Où est-elle, ta maman ?

Allons, les grands artistes, il s’agit, d’un seul enfoncement du regard, d’exprimer aussi clairement que si vous articuliez pour être applaudis du parterre au poulailler, il s’agit, dis-je, de répondre avec les yeux :

— Ma maman, ma protection, mon admiration et mon affection, ma maman à moi, tout petit, elle est absente pour cause de démêlés avec la police…

Non, laissez-nous, cabotins, gens d’un autre quartier, artistes, gens ignares que vous êtes, je crois qu’il faut avoir des yeux bleus de six ans, la tête exsangue, à moitié décollée et être un élève de la Maternelle de Ménilmontant… Tenez, il faut d’abord fourrer sa langue sous les dents du fond à gauche, cela entrouvre la bouche de travers et fait saillir la pommette… Le vertige ! le vertige !…

J’ai marché droit et vite, à heurter les passants. Mes souvenirs se perdent alors, mais je me suis certainement trouvée non loin du Canal, à la Villette, au déclin du jour, vers huit heures par conséquent, et j’ai certainement rencontré, pour de bon,