Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/349

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maman, mais il est bien méchant ! » Si vous aviez entendu la façon aimante dont elle appuyait sur l’e de petit : « Il est bien petit, ton poussin… » Et, faut croire que je me doutais de quelque chose ; en sortant de l’école, je suis allée par là sans motif… Mais je n’ai pas voulu les suivre et je me rappelle : au bout, c’était le Canal et l’on apercevait les deux montants d’une passerelle comme deux longs bras noirs vers le ciel… Alors, on l’a repêchée tout de suite, la mère ?

Ce récit terminé, je le recommençai presque identique, puis, n’étant pas encore apaisée, je portais la tête de-ci de-là, cherchant une continuation à mon discours.

À la longue, les deux femmes me regardèrent curieusement ; l’une dit :

— La mère Cloutet a bu un coup… ça arrive à tout le monde.

L’intérieur du marchand de vin tirait mon attention ; une gamine y dormait, le front sur une table de marbre, je reconnus Léonie Gras et me rappelai qu’elle manquait l’école depuis un certain temps. Alors, j’obéis à mon stupide besoin de verbiage.

— Tiens ! Léonie là-bas, ses cheveux frisés cachent presque le verre… vous ne l’envoyez donc plus à l’école ? Vous auriez tort, vous savez, pour façonner les enfants, dans leur intérêt moral…

Quelle surprise ! La mère Gras se pencha d’une détente brusque et me répondit :

— Venez donc un peu que je vous explique, vous Rose, la Maternelle ; y a longtemps que j’ai envie