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la maternelle

haha formidable d’enfants dérangés et querelleurs.

— Madame ! madame !

L’adjointe s’approcha des bancs, harcelée par ce mot crié sur tous les tons, archi-aigus, gémisseurs, rageurs :

— Madame ! madame !

On entendait de véritables miaulements, des voix de polichinelle.

Mme Galant se pencha, prononça des paroles perdues, allongea des gestes de magnétiseur, d’escamoteur, qui replacèrent les gamins sur leurs bancs, puis, redressée, elle frappa dans ses mains et commanda, s’adressant surtout au groupe des « moyens », ses élèves :

— Chantons !

On dit qu’il est un petit vieux

Cent bouches s’ouvrirent, rondes, d’où jaillit un son unanime :

On dit qu’il est un petit vieux
Qui vient le soir jeter du sable.
Dans tous les pauvres petits yeux
Des enfants qui sortent de table.

J’étais stupéfaite de la façon commode dont la maîtresse s’était débarrassée des plaintes, des cris, des pleurs : « Chantons ! » Et le comble c’était qu’en un instant le piaulement était devenu chant dans la bouche des enfants. C’est-à-dire que la bouche, ouverte pour exhaler un gémissement avait, par un brusque tour de clé, modulé une note gaie.