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la maternelle

Sur un coup de sifflet, trois rangs se formèrent et ce fut la conduite aux cabinets.

Je suis chargée du déboutonnage, du relevage de chemise et du reboutonnage des petits qui ne savent pas procéder seuls.

Dieu qu’ils sont bas ! pas plus hauts que le siège d’une chaise ! Il ne suffit pas que je me courbe en deux, il faut que je me tienne accroupie ; on ne se doute pas combien cette position est fatigante. Mes clients font la queue près de moi et arrivent dans mes mains chacun à son tour. J’ouvre, je trousse, très vite… cinq, six, allez ! Je reprends, je rajuste ; allez, allez !

Un blondin drôlement culotté que je crois avoir suffisamment préparé ne bouge pas ; il me considère fixement et me dit d’un ton d’autorité impatiente :

— Eh bien ! sors-moi ma bête !

Le toucher nouveau, inattendu, me donne une crispation et mes doigts ont peur comme d’une fragilité qui pourrait s’écraser. Mais quoi ! il n’y a pas à penser, il y a le devoir : allez, allez ! Je complète mon déboutonnage d’un tâtonnement ; je me hâte, les sourcils serrés, je ne veux rien éprouver… je farfouille…

— J’en ai pas encore, me dit bonnement une gamine à cheveux ras.

Dès que j’eus fini, s’effectua l’entrée en classe. Mon service est d’accompagner le rang des tout petits dans la classe de la directrice et de les placer sur les bancs, face au bureau.