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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/41

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la maternelle

— Pour vous les faire connaître rapidement, ce qui est indispensable, me dit la directrice, amusez-vous à les séparer par sexe.

Mais je me trouvai fort embarrassée : ces mioches de deux à trois ans étaient tous en robe et ils parlaient mal. Beaucoup n’avaient pas plus une tête de garçon qu’une tête de fille.

La directrice ne s’occupait pas de moi ; elle compulsait et signait des papiers.

Impossible de trier mon troupeau : en voici deux que j’ai mis à droite, je les reprends, je les range à gauche : pour celui-là, j’ai envie d’opérer le changement inverse.

— Comment t’appelles-tu ?

— Zizi.

Je ne suis pas plus avancée.

Heureusement, Mme Paulin apparut :

— Je me doutais que vous seriez le bec dans l’eau, dit-elle ; tenez, voilà la manière, quand on ne les connaît pas par leurs noms.

Sans s’attarder à des réflexions, elle attrapa Zizi à pleines mains, par le milieu du corps, le retourna la tête en bas et regarda la marque, comme on retournerait et regarderait l’envers d’une potiche. Cette évolution fut si rapide que l’enfant n’eut pas le temps de dire ouf.

— Allez, c’est une fille. Et toi ?… Louton ? Fais voir un peu ton bulletin. Crac ! les pattes en l’air. Elle en déchiffra ainsi une douzaine, à l’envers, en moins d’une minute ; absolument le chic de l’ouvrière parisienne : vite et bien.