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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/43

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la maternelle

mée à la place de sa protégée ; il vient voir comment c’est arrivé. Il est furieux. Gare à vous !

— Comment, gare à moi ?

— Dame ! Il vous a déjà regardée de haut en bas. Et s’il indispose la directrice contre vous ? Il y a cinq ans, le délégué d’avant, un vieux, avait pris la femme de service en grippe, il a fini par la faire renvoyer.

— Délicieux ! Je vais être heureuse dans cette école. Mais je sais que la fonction d’un délégué cantonal est d’examiner la tenue de l’école ; il n’a nullement à s’occuper de moi.

— Oh ! dit Mme Paulin avec philosophie, tout le monde peut faire des misères à une subalterne : y a même pas besoin de motif.

— Est-ce qu’il vient souvent, ce délégué ?

— Pour ça, oui ! C’est de ces gens qui ne savent pas trop ce qu’ils veulent. Les enfants l’intéressent beaucoup ; il aime bien à bavarder, la directrice aussi ; alors, voilà, il s’amène.

— Bon ! Je pourrai l’admirer à loisir. J’ai seulement vu qu’il avait un pardessus noir, un magnifique chapeau de soie, à preuve qu’il avait oublié de le retirer, dans sa colère. Il est assez jeune ?

— C’te question ! S’il est jeune ? À peine trente ans. Il s’appelle Libois. Il est très bien pour un blond : ni trop grand, ni trop petit. Si la normalienne était maligne…

Je me souviens maintenant de la première récréation : de dix heures un quart à dix heures trois quarts.