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la maternelle

Une file d’enfants sortait indéfiniment par la porte de la grande classe et, vue du préau, faisait penser à une mèche noirâtre tirée par une maîtresse le long du mur de la cour.

Subitement, à un signal, la mèche sauta : les enfants jaillirent, s’éparpillèrent, tourbillonnèrent, se croisèrent avec mille éclats de voix. Tous, sans exception, au moment précis, éprouvèrent le besoin d’exhaler un « aah ! » sauvage, de s’élancer, de faire le moulin avec leurs bras ; toutes les bouches étaient béantes, tous les corps agités, sans idée, par explosion, exactement. Puis, l’instant d’après, les têtes se cherchèrent, il se forma cinq ou six gros tas mouvants de tabliers et de mollets ; entre ces masses, des brimborions tournant, recueillis par leurs aînés, des fillettes qui se tenaient par le bras, à quatre, et marchaient, très occupées de leur bavardage, et aussi, dans tous les sens, des poursuites incompréhensibles organisées à grands cris.

Je lançais ma sciure à poignées, à la façon d’un garçon de café saupoudrant de sable sa terrasse, je restai le bras en l’air, saisie par un spectacle de foule. Dix fois, des poursuivants hurleurs étaient passés, dédaignés, près d’un groupe de « moyens » affairés à échanger des bons points ; soudain, comme par l’effet d’une onde électrique, tout le groupe se précipita, braillant avec les camarades, sans signification, sans motif ; alors, d’autres groupes frôlés se joignirent, des grands entraînèrent leurs petits frères, des causeurs tranquilles sautèrent, brusquement emballés, plus éperdus, plus