Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/99

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tude, à me défendre d’avancer. Ses yeux combattaient, implacables, ce n’étaient pas des lueurs mauvaises, mais des lueurs « de justice ». (Je parlerai un jour du sentiment de la justice chez les enfants.)

Je cachai ma main saignante sous mon tablier. Les clameurs de la récréation avaient dominé mon cri de douleur. La normalienne rejoignait sa collègue.

— Je plaisantais, dis-je à Adam, tu es un brutal ; je voulais que tu demandes pardon à Mademoiselle.

Une espèce de sourire détendit son énergie ; il allongea une moue significative vers ma main cachée : « On ne fait pas de ces blagues-là, tant pis ! »

Des voix en folie le requirent ; il rompit là, sans autre formalité. D’un geste, il rallia toute une bande.

— Au chemin de fer ! ordonna-t-il. Et il s’élança, imitant le sifflet de la locomotive et suivi de sa cohorte grossissante.

Tout de même, je suis contente. Adam fait attention à moi, maintenant.

Samedi, à plusieurs reprises, il m’a frôlée avec prudence, le regard en coin sur mon pouce entortillé, puis l’air dégagé comme un qui ne se souvient pas.

— Alors, tu aimes bien Mademoiselle ? lui ai-je demandé au moment de déjeuner.

— Je sais pas.