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cinquantième runo

Marjatta reprit sa course ; et, tandis qu’elle marchait, l’esprit bercé dans ses pensées, le soleil vint à sa rencontre. Elle s’inclina devant lui et lui dit : « Ô soleil, créé par Dieu, sais-tu ce qu’est devenu mon fils, mon petit garçon, ma pomme d’or ? »

Le soleil répondit avec intelligence : « Oui, je sais ce qu’est devenu ton fils ; aussi bien j’ai été créé pour des jours heureux, pour marcher vêtu d’un manteau d’or, pour briller sous une parure d’argent.

« Oui, pauvre femme, je sais ce qu’est devenu ton fils ; ton petit garçon, ta pomme d’or se trouve enfoncé dans le marais jusqu’au milieu du corps, dans la lande jusqu’aux bras. »

Marjatta, la pauvre vierge, se précipita vers le marais ; elle en retira le petit garçon et le rapporta à la maison.

Et, auprès de notre bonne Marjatta, le joli petit garçon grandit, mais il n’avait point encore de nom ; sa mère l’appela bouton de fleur, l’étranger l’appela maudit désœuvré[1].

On chercha ensuite quelqu’un pour le baptiser. Le vieux Wirokannas [2] se présenta ; et il prit la parole et dit : « Je ne baptiserai point un être plongé dans l’erreur, je ne ferai point un chrétien d’un pauvre misérable, si, auparavant, il n’est examiné et jugé. »

Qui donc examinera, qui jugera l’enfant ? Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, le runoia éternel, fut chargé de cette mission.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen prononça sa sentence : « Si le garçon a été apporté du marais, s’il a été engendré par la baie de la colline, il faut qu’il soit

  1. « Emo kutsui kukkaseksi
    Vieras vennon joutioksi.
     »

  2. Voir page 179, note 3. Ce mélange de christianisme et de paganisme, qui exprime si bien une époque de transition, est on ne peut plus curieux.