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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/134

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l’Ornement des Propos du Bouddha (Sūtrālaṃkāra) où il ne craint pas de reprendre, pour les remanier sous une forme littéraire, les discours, les apologues, les apophtegmes, tenus cependant pour intangibles et parfaits (subhāṣita) du Maître. Il met la musique au service de la Loi. « Ses accords faisaient aussitôt régner l’harmonie, le son modérait la douleur, redressait le courbé. Il proclamait les lois, la douleur, le vide, et que le moi n’existe pas… Le roi eut peur que tout son peuple, entendant cette musique, quittât ses foyers et que le territoire du royaume devînt vide » (Conte du cycle de Kaniṣka). Dans le dogme, il accomplit une révolution plus profonde encore ; dans son traité pour inspirer la foi dans le Grand Véhicule (Mahāyāna-çraddhotpāda), il proclama — comme Rousseau le fera plus tard — que la nature humaine est originellement bonne, que l’homme porte en lui de toute éternité le principe de son salut, que la Bodhi, la sainteté omnisciente réalisée dans le Bouddha, réside en puissance dans chaque créature. La doctrine de couvent, qui prêchait l’horreur de l’action et le retour au Néant, s’anime d’un souffle de vie abondante et d’activité féconde. Les missionnaires enthousiastes du dogme rajeuni peuvent s’élancer à l’œuvre de la conversion : Kaniṣka leur a ouvert les routes par l’épée ; il a vaincu les Parthes (Ngan-si) ; il a soumis tout le centre de l’Asie jusqu’au fleuve Jaune. Les princes de la Sérinde lui envoient leurs fils en otages ; il installe ces jeunes gens dans des couvents où ils sont choyés et aussi instruits dans le bouddhisme qu’ils iront propager à leur tour dans leur propre pays.

L’Inde n’est pas sans gagner aussi à cet échange ; les